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Mais que peuvent bien faire les chauves-souris quand nous dormons ?

Scientifique

Lors de son Appel à projets scientifiques de 2023, le Parc national de la Guadeloupe, soutenu par France Relance, a subventionné un projet portant sur les insectes et les chauves-souris de nos forêts. Découvrez ici les résultats du CAFOG (Canopée forestière de Guadeloupe).

Les Petites Antilles abritent une biodiversité particulièrement riche, soumise à de fortes pressions anthropiques. Elles sont donc considérées comme un point chaud de biodiversité. L'absence de connaissances freine cependant la mise en œuvre d’efforts de conservation à la hauteur des enjeux de ces territoires. Quelques groupes d’animaux, tels que les insectes ou les chauves-souris, sont délicats à étudier en raison de leur petite taille ou de leur mode de vie. Les difficultés d’accès à certains habitats compliquent encore davantage la tâche des scientifiques. En raison de leur structure, les milieux forestiers se révèlent parfois difficiles à prospecter, en particulier les strates les plus hautes. La canopée est ainsi rarement étudiée, bien qu’elle soit le siège d’une forte activité biologique.

Artibeus jamaicencis © Fabien Salles
Artibeus jamaicencis © Fabien Salles

 

À la recherche des habitants de la canopée

 

Dans ce contexte, le Parc national de la Guadeloupe, soutenu par France Relance et l’UMS PatriNat (OFB-MNHN-CNRS-IRD), a financé une étude ciblée sur les chauves-souris et les insectes en canopée et en sous-bois des forêts de la Basse-Terre. Ce travail avait pour objectif de comparer les communautés évoluant en hauteur et près du sol et, si possible, de mettre en évidence des interactions entre ces deux groupes liés par une relation prédateurs-proies.

Noctilion pêcheur © Béatrice Ibéné
Noctilion pêcheur © Béatrice Ibéné

 

Comment détecter la vie nocturne des insectes et des chauves-souris ?

 

Différentes techniques ont été utilisées dans le cadre du projet CAFOG pour recueillir des données sur le terrain. Pour les chauves-souris, des enregistreurs à ultrasons ont été utilisés. Ces animaux se repèrent à l'aide de signaux sonar, et l’analyse des enregistrements permet généralement d’identifier l’espèce et d'observer son utilisation de l'habitat où l'enregistreur est placé.
 

Sérotine de Guadeloupe - ASFA
Sérotine de Guadeloupe - ASFA

Pour les insectes, des pièges à interception ont été déployés. Ce sont des dispositifs transparents composés de deux plaques verticales qui "interceptent" les insectes, les faisant glisser dans un flacon collecteur rempli d’un liquide conservateur. Les spécimens sont ensuite identifiés à l’aide de critères morphologiques.

Pour rester cohérent avec l’objectif principal de l’étude, les collecteurs et les enregistreurs à ultrasons ont été positionnés aux mêmes niveaux.

Les prospections ont été effectuées sur neuf sites, pendant quatre jours et quatre nuits, dans quatre types forestiers de la Basse-Terre: forêt semi-décidue, forêt mésophile, forêt ombrophile, peuplement à mahogany.

Carte de la répartition des sites échantillonnés
Carte de la répartition des sites échantillonnés

 

Une vie nocturne riche en observation

 

Parmi les 14 espèces de chauves-souris présentes en Guadeloupe, 11 ont été détectées lors de cette étude dont 7 qui sont insectivores. La Sérotine de Guadeloupe (Eptesicus guadeloupensis) et le Chiroderme de Guadeloupe (Chiroderma improvisum) ont été enregistrés sur un site. Il s’agit de deux espèces rares, respectivement endémiques et sub-endémiques, et considérées en danger d’extinction sur la Liste rouge de la faune de Guadeloupe. Les écoutes en canopée ont systématiquement permis la détection d’espèces supplémentaires par rapport aux écoutes en sous-bois. Bien que toutes les espèces soient susceptibles d’évoluer en hauteur ou près du sol, la majorité exploite nettement plus la canopée. De façon générale, la canopée concentre 70% ou plus de l’activité des chauves-souris dans les forêts de la Basse-Terre.

L’inventaire entomologique a permis de recenser neuf ordres avec le nombre d'espèces associé :

  • Coléoptères : 49

  • Hyménoptères : 19

  • Hémiptères : 8

  • Diptères : 15

  • Blattes : 3

  • Lépidoptères : 1

  • Orthoptères : 1

  • Psoques : 1

  • Trichoptères : 1

  • Araneae : 2

En revanche, en raison du faible rendement des pièges, il n’a pas pu être fait de corrélation entre la présence de certains insectes et la présence de chauves-souris. En effet, les insectes considérés comme les plus abondants n’ont quasiment pas été retrouvés dans les pièges.

Cependant, l’étude a tout de même permis de collecter 100 espèces. Plusieurs espèces nouvelles pour la Guadeloupe ou pour la science ont été collectées chez les Coléoptères et les Hyménoptères. Deux espèces d’Hyménoptères rares ont été collectées, appartenant aux familles des Tiphiidae et des Pompilidae.
 

Chiroderme de Guadeloupe - ASFA
Chiroderme de Guadeloupe - ASFA

En résumé, cette étude, qui avait pour objectif de caractériser l'activité entomologique et des chauves-souris simultanée en canopée et en sous-bois de la Basse-Terre, n'a pas permis d'établir de lien entre ces deux groupes faunistiques. La phase de récolte de données a cependant permis de réaliser un inventaire faunistique de ces deux groupes, permettant ainsi la découverte de nouvelles espèces d’insectes pour la Guadeloupe et, d'autre part, de mieux cartographier l'aire de répartition de certaines espèces de chauves-souris.

Rapport : Gervain S., Jourdan T. (2024) – Canopées Forestières de Guadeloupe (CAFOG). Étude de l’activité des Chiroptères et inventaires entomologiques simultanés, en canopée et en sous-bois des forêts de la Basse-Terre. Parc national de la Guadeloupe-PatriNat. 67 p. + annexes