Bien que classés comme étant des reliquats d'os de serpents, la majorité des fouilles ne pousse pas les recherches jusqu'à la détermination des espèces à qui appartenaient les os. C’est dans cette démarche que, comme de nombreux ossements avant eux, ceux présents sur les sites de la cathédrale de Basse-Terre et la Désirade ont été attribués aux serpents que l’on connaît encore (bien que très rares) aujourd’hui : les couresses de Guadeloupe. Ces serpents de tailles modestes étaient en effet beaucoup plus présents il y a des centaines, et même des milliers d’années. Les témoignages de la cohabitation entre ces dernières et les tribus Amérindiennes sont avérés, c’est donc naturellement à cette espèce que l’intégralité des os ont été attribués.
L’histoire aurait pu en rester là, mais c’était sans compter sur Corentin Bochaton, chercheur au laboratoire PACEA* et en association avec l’institut Max Planck*, qui décide en 2019 de passer au peigne fin les pièces récoltées : à la lumière de ces récentes recherches en archéozoologie sur l’archipel antillais, plusieurs éléments indiquent qu’il n’a pas affaire à de simples débris de couresses.
D’une part, les mensurations d’une faible fraction des os ne correspondent pas à ceux des couresses Guadeloupéennes. D’autre part, certains restes ont une forme étrange pour des os provenant d’une colonne vertébrale de serpents. La réponse à cette question est finalement trouvée : ces formes particulières sont dues au façonnage des pièces par les Amérindiens Précolombiens...
Mais pourquoi prêter une telle attention à ces os de serpents en particulier plutôt qu’a d’autres ? C’est là que l’espèce étudiée est importante : le Boa, une famille de serpent tropicaux.
Après étude et comparaison de ces « perles » avec d’autres recherches antérieures, il se révèle que ces pièces proviennent de Boa insulaires locaux, mais impossible de déterminer s’il s’agit d’une nouvelle espèce endémique ou d’une espèce peuplant toute la Caraïbe il y a quelques milliers d’années. Cette découverte, couplée au caractère culturel fort des croyances Amérindiennes Pré-colombiennes pousse à se poser de nouvelles questions sur l’impact de la biodiversité dans l’archéologie. Elle accentue aussi l’importance des corps de métiers spécialisés, comme celui des archéozoologues, pour ne pas passer à côté d’éléments supplémentaires permettant de mieux comprendre les cultures de jadis.
Article rédigé par :
Barthélémy DESSANGES
Chargé de mission «Vulgarisation scientifique»
Département Patrimoines et Appui aux Territoires - Service Patrimoines naturel, paysager et culturel du Parc national de la Guadeloupe