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Nos coraux en grand danger

Scientifique

L’archipel est touché par un exceptionnel blanchissement des coraux. Un phénomène qui survient lors de l’augmentation de la température de l’eau et qui peut mener à la mort des récifs coralliens.
 

En septembre dernier, l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique (NOAA) a placé en alerte maximale les récifs coralliens de Guadeloupe, et plus largement du nord des Antilles, pour "blanchissement sévère et risque de mortalité probable".


La température et la qualité de l’eau en cause

Ce blanchissement peut tout d’abord s’expliquer "par l’augmentation des températures", pour Maïtena Jean, chef du service Patrimoines au Parc national de la Guadeloupe. En effet, les coraux "subissent une dégradation accélérée en lien avec l’augmentation des températures de surface et l’acidification des océans, c’est-à-dire la diminution du pH", précisait l’Observatoire régional du climat de Guadeloupe dans un rapport datant de 2020.

Blanchissement coraux
Blanchissement coraux Pigeon - Noémie Léger


"Avant la tempête Philippe, la température de l’eau avoisinait les 32°C. Soit 3 degrés de plus que le seuil acceptable pour la bonne santé des coraux. Certains coraux peuvent supporter le blanchissement et même se rétablir si ces conditions ne s’éternisent pas", indique Maïtena Jean. Les coraux peuvent en effet supporter ces fortes chaleurs pendant environ un mois avant la mort de la colonie si elles perdurent.

Le blanchissement est ensuite accentué par la mauvaise qualité de l’eau. En juin 2023, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) a publié une évaluation des risques des substances chimiques sur les récifs coralliens. Ce rapport identifie une centaine de substances potentiellement toxiques pour les coraux et parmi celles-ci, on en retrouve plusieurs qui peuvent provenir du lessivage des sols (pesticides, hydrocarbures) ou d’un système d’assainissement inefficace (détergents, produits pharmaceutiques, nanoparticules - de micro-particules de plastique par exemple invisibles à l’œil nu).

Cette pollution de l’eau causée notamment par la défaillance des systèmes d’assainissement donc avec des stations d’épuration dysfonctionnelles et les fortes températures de ces derniers temps sont en grande partie responsable de ce blanchissement.

 

Une maladie de "perte des tissus" observée en Guadeloupe

Différents épisodes de blanchissement ont marqué nos récifs ces dernières décennies. D’abord en 1984 et en 1987 où 20 à 30% des colonies touchées sont mortes, puis en 1999 et enfin en 2005. Ce dernier épisode a entraîné le blanchissement de 80% des coraux et au cours de l’année 2006, on notait une diminution de 40 à 60 % du recouvrement corallien selon les sites. (Bouchon C. et Bouchon-Navaro Y., 2019).

Cette nouvelle vague de blanchissement fait suite à "deux ans de maladie corallienne, qui avait déjà mis à mal le récif", souligne Claude Bouchon, professeur émérite en biologie marine de l’Université des Antilles, interrogé par l’AFP. Un phénomène qui devrait s’accentuer avec le réchauffement global.

Blanchissement coraux Pigeon - Noémie Léger
Blanchissement coraux Pigeon - Noémie Léger



Depuis 2020, s’ajoutant à la douzaine de maladies déjà répertoriées, une maladie de "perte des tissus" (dite SCTLD pour "Stony coral tissue loss disease") est observée en Guadeloupe. Documentée depuis 2014 en Floride, elle épargnait l’archipel guadeloupéen jusqu’alors. Depuis, Yolande et Claude Bouchon, aussi membres du conseil scientifique du Parc national de la Guadeloupe et actifs au sein de leur bureau d’études Ecorécif Environnement, ont caractérisé 7292 colonies, avec une mortalité de 14%. Environ la moitié des espèces de coraux a été touchée par la maladie en Guadeloupe.

Cette maladie épargnait les trois espèces d’acropores (formes branchues) : Acropora palmata, A. cervicornis et A. prolifera.

 

Un gazon algal qui recouvre déjà certaines colonies

Lors du suivi réalisé le 10 octobre dernier avec les membres du conseil scientifique, les colonies d’Acropora prolifera et cervicornis ont montré des zones de blanchissement important. Chose plus étonnante, les colonies sont déjà recouvertes d’un gazon algal, qui étouffe les coraux et les tue, montrant que la majorité du récif ne pourra pas se remettre de cet épisode.

La rapidité avec laquelle les colonies ont été recouvertes de ces algues interroge sur les raisons de la mortalité. Elle ne peut probablement pas être imputée au seul blanchissement, les colonies présentant déjà des signes de colonisation par les algues au mois d’août dernier. Il est donc probable qu’un épisode de pollution au nitrate et au phosphate ait précédé l’augmentation de température, provocant l’affaiblissement des colonies.

La zone sera suivie afin d’observer l’éventuelle reprises des coraux qui ne sont pas recouverts de gazon et si la température diminue.

Coraux Fajou
Coraux Fajou - Noémie Léger


Le Parc en action

Pour protéger les coraux, qui réduisent le risque de submersion, représentent un véritable abri pour les poissons et participent à la préservation de la biodiversité, le Parc national de la Guadeloupe agit. Cela passe tout d’abord par des suivis pour mieux comprendre les récifs, documenter leur évolution et adapter les mesures de gestion parmi lesquels le suivi des communautés coralliennes et benthiques et les thermographes permettant d’enregistrer la température de l’eau.


Cela passe également par la mise en défense de certaines zones: en janvier 2013, deux champs d’Acropora cervicornis et Acropora prolifera avaient été détectés dans le lagon de l’îlet Fajou, en cœur de Parc national. Protégées par arrêté ministériel, ces deux espèces font l’objet d’un suivi attentif depuis 2020. En 2023, le PNG a obtenu l’interdiction d’accès à ces zones afin d’encourager la conservation des colonies.

Tout comme l’interdiction de l’ancrage en cœur de Parc national. Seul l’amarrage aux bouées prévues à cet effet est autorisé. Autant d’actions qui participent à la protection de ces écosystèmes aux multiples bienfaits écologiques.

Au niveau mondial, 45 pays viennent de s’engager à lever 12 milliards de dollars (11,3 milliards d’euros d’ici 2030) pour la conservation et la restauration des récifs coralliens.

Pour en savoir plus :
Une nouvelle maladie à faire pâlir les coraux

Quel est l'état de santé des coraux de Guadeloupe ?

Vidéo "Pourquoi nos coraux sont en grand danger ?"

Dossier de presse

 

Dans son édition de décembre 2023, la revue scientifique Gulf and Caribbean Research a publié un article sur le suivi des communautés benthiques des Îlets Pigeon réalisé depuis 2012 par le Parc national de la Guadeloupe.

Basée à l’Université du Sud Mississippi, cette revue publie depuis plus de 60 ans des articles à propos d'études scientifiques menées au Mississippi, dans le Golfe du Mexique ainsi que dans la Caraïbe. Les suivis réalisés par le Parc national de la Guadeloupe deux fois par an sur 12 stations de récifs coralliens réparties autour des îlets Pigeon ont ainsi fait l'objet d'une publication.
Cette étude a été présentée lors de la 75e conférence internationale du Gulf and Caribbean Fisheries Institute qui s'est tenue à Fort Walton beach en Floride en novembre 2022.
L’étude complète est consultable en ligne.